Jeudi 27 octobre : Mustang - Tabou



Il fut un temps où Clermont-Ferrand est devenu le siège du Rock’n’roll Français, c’était en 2009. Trois jeunes Clermontois sillonnaient l’A71 au volant de leur Mustang. Coiffés de gomina et parés de leurs plus belles bottines, ce groupe avait réussi à charmer les critiques en mélangeant le rock de Memphis à la variété Française. L’exercice était pourtant casse gueule, on se souvient de ces jeunes groupes de rock Français médiatisé à outrance, jouant la carte du rétro en tentant de chanter dans leur langue natale qui finirent par se casser les dents. De ce massacre, seul le groupe de Clermont Ferrand en rescapera, peut être est ce parce qu’ils allaient plus loin qu’un bête pastiche en composant des chansons empruntées de modernité ou tout simplement parce que les textes de Jean Felzine volaient au dessus de la mêlée.

Deux ans ce sont écoulés depuis, Ils ont quitté l’A71 pour rejoindre la capitale afin de confirmer tous les espoirs placés en eux. En route, le groupe semble d’ailleurs avoir perdu sa fièvre rock’n’roll, bien sûr, on ne perd pas son identité sonore du jour au lendemain et il existe encore des traces de leur influences 50’s mais elles ne se font plus autant ressentir au profit d’une écriture plus classique mais moins référencée que par le passé. Pourtant, Mustang est loin de se ranger dans une case, au contraire, sur Tabou, le trio a choisi un parti pris en lorgnant de plus en plus vers la variété Française! Oui, l’association de ces deux mots fait peur mais on ne parle pas ici du dernier disque d’un quelconque académicien mais bien d’un groupe qui tente d’élever le niveau actuel de la musique Française. Ainsi, Mustang renoue avec des artistes des années 60 comme Nino Ferrer avec le titre Tabou, l’équivalent de Pia Pia Pia sur le premier disque ou Polnareff sur le superbe restons amants qui taquine de la mandoline.

Ok, la variété c’est cool mais encore une fois, il ne faudrait pas les réduire seulement à ces quelques références car Mustang c’est plus que ça. On le sait, le nom de leur premier album y fait vaguement référence. Kraftwerk reste un groupe très important à leurs yeux. On l’avait entendu sur c’est fini il y a deux ans avec cette valse de synthé enivrante. Ici, l’instrument vient souvent donner du relief à leurs chansons comme sur l’excellent titre la princesse au petit pois, parfaite synthèse du groupe qui démontre qu’ils sont loin d’être dans un exercice de style passéiste.

Enfin, il ne faudrait pas oublier les textes de Jean Felzine, on pense notamment au très drôle J'fais des chansons, qui porte un regard cynique sur les soit disant artistes ("Je suis plus froid qu’un glaçon, mais sensible au fond… Artiste…"[…] "La chanson pour papa quand il mourra, je l’ai faite. Je t’aimais papa, je ne te le disais pas, je t’aime."). Les récits d’amours ratés et les peines de cœur restent sa principale inspiration. Tour à tour tortionnaire (niquée), esclave (Ramper), ou simplement amoureux blessé (Où devrai-je aller), Felzine trouve les mots justes dans ces histoires universelles.

On regrettera cependant le manque de fulgurances sur ce nouveau disque, à contrario d’A71 qui collectionnait les mélodies imparable, Tabou se fait plus sage. Paradoxalement, c’est un disque plus ambitieux mais qui a tendance à partir dans tous les sens au risque de ne plus trop savoir où on va, la faute à un groupe encore jeune qui semble ne pas avoir trouvé totalement ses marques. Néanmoins, leur musique sincère est pétrie d’intentions louables. C’est certain, Mustang a encore de la route à parcourir mais avec un potentiel comme le leur, l’avenir pourrait bien leur sourire très vite.

En écoute aujourd’hui, Où devrai-je aller, sublime conclusion où l’on retrouve Jean Felzine seul devant son piano pour un morceau de pure variété comme on les aime.




sortie le : 24 octobre 2011 
Label : Sony
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Mercredi 26 octobre : Tom Waits - Bad As Me




30 ans de carrière, 16 albums studio derrière lui, que peut-il encore nous proposer de nouveau après tout ce temps ? C’est la question que l’on est en droit de se poser face à cette 17ème livraison qui fait suite à son triple album Orphans aussi ambitieux que  réussi. On ne présente plus ce personnage atypique, lui et sa gueule cassée, ses allures de vagabond qui aurait parcouru l’Amérique poussiéreuse de long en large, et surtout, cette voix. Elle est rauque, elle vient des tripes, elle est nourrie à l’alcool fort et bon marché que son pays peut lui offrir.

A 61 ans, son chant n’a pas perdu de sa force et on peut en dire autant pour sa musique. Après toutes ces années, elle est toujours aussi indisciplinée et avinée. Elle titube et nous fait parfois croire que l’on est tombé en plein milieu d’une foire aux monstres ou d’un vieux cabaret situé au fond d’une ruelle fumante et glauque de la ville. La musique de Tom Waits est un univers visuel qui échappe encore aujourd’hui aux codes de la musique. Les affiliations sont toujours aussi difficiles avec lui. Seul dans sa bulle, il arrive encore à éviter les comparaisons foireuses. Sa musique, il la tire des prémices du rock’n’roll (Get Lost), du folk américain (Back In The Crowd), du blues (Satisfied) ou encore du jazz (Chicago), mais elle est suffisamment tordue pour que les modèles ne soient jamais identifiés. Bref, Tom Waits est un artiste inclassable, unique et donc forcément rare.

D’autant plus rare que Tom Waits, malgré une production discographique étoffée, reste un des seuls songwriter légendaire (pour ne pas dire vieux) à réussir à nous impressionner par la qualité de ses compositions. Bad As Me ne déroge pas à la règle. Moins risqué que certains de ses précédents disques, Tom Waits ne s’écarte jamais du chemin pour mieux nous livrer un album en forme de témoignage de son travail passé. C’est un survivant, le dernier de son espèce comme en témoigne le vibrant Last Leaf (« I’m the last leaf on the tree/The autumn took the rest/But they won’t take me »)

Au-delà de sa musique qui oscille entre mélodies possédées assemblé on ne sait comment par des instruments faits de bric et de broc et ballades aux allures de standards Américain, Tom Waits s’amuse toujours à s’habiller dans la peau de personnages déficients. On passe du soldat brisé revenu d’Irak à l’amoureux déçu, quand ce n’est pas dans son propre rôle qu’il observe le monde qui l’entoure. Encore une fois, l’artiste démontre qu’il est un grand parolier, fasciné par ces personnes incapable de s’adapter à notre société, il dresse le portrait de ces gens sortis tout droit d’un roman de Steinbeck en mêlant humour cruel et désespoir avec les Etats Unis pour toile de fond.

30 ans de carrière et ce clochard céleste continue de fasciner les foules. Loin d’être une révolution, Bad As Me est juste un disque de plus qui vient se rajouter à une discographie irréprochable. Tant d’années sont passées et pourtant, il continue d’émerveiller l’auditeur avec sa musique de foire au service des beautiful loser perdus dans une Amérique qui l’est tout autant.

En écoute aujourd'hui, Hell Broke Luce, un titre nerveux où l'on entend un Tom Waits enragé et engagé, soutenu par la guitare de Keith Richards et la basse de Flea.


sortie le : 24 octobre 2011 
Label : ANTI-
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Feu à volonté
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Semaine 42 : Real Estate - Days [Domino]


Real Estate c’est avant tout un coup de foudre. C’est les pieds glacés, les joues giflées par le vent et les oreilles insensibles que l’on découvre ce groupe. Nous sommes en plein hiver 2009 et noël approche à grand pas. Pas évident de tomber sous le charme lorsque leur musique évoque plutôt le soleil, la plage et l’été… Non, pas évident, surtout lorsque l’on est fauché et bloqué sur Paris. Pourtant, le coup de foudre a eu lieu, il aura suffi d’entendre les premières notes de Beach Comber, avec sa guitare timide qui rentre par la petite porte mais qui peu à peu nous habite. La musique se fait alors bien plus aérienne montrant sa véritable force qui au-delà d’un disque estival annonce un disque rêveur, évoquant plus l’évasion que la glande et le surf sur une plage de la côte ouest. Le pont sur cette même chanson finira de nous achever, les écoutes ont beau avoir été nombreuses, il y a longtemps eu ces mêmes frissons et ce sentiment étrange qui vous tient, encore aujourd’hui cette mélancolie revient par moment sans que l’on s’y attende. Ces sentiments étaient de légion sur leur premier album homonyme et pas seulement sur Beach Comber, il y avait un véritable savoir faire pour déclencher des émotions chez l’auditeur.

2 ans et un changement de batteur plus tard, On retrouve le quatuor sur un nouveau label devenu quintet avec l’apparition d’un claviériste. Tous ces bouleversements n’auront finalement que peu d’impact sur leur musique, voire pas du tout. Le clavier est quasi-transparent, seul le son, bien plus propre, montre une évolution marquante et c’est tant mieux! Une des grandes force du groupe a toujours été ce talent pour mêler les lignes de guitares, d’embrouiller les pistes au point de ne plus savoir combien en ont été enregistrées. Ce qui pourrait donner un résultat foutraque chez certains, tient ici du miracle. Dès les premières écoutes tout est clair, les guitares n’ont jamais aussi bien sonnées, les mélodies nous éclatent en plein visage et le charme agit instantanément. Days est un album pop évident, un album que peu d’écoutes suffiront à apprivoiser mais qui se dévoile dans sa construction passionnant. Ce disque appartient à cette catégorie très fermée qui révèle à chaque écoute de nouvelles subtilités et les nombreuses couches de guitare en apparence n’y sont pas pour rien.
Jamais brouillon ou superflus, Real Estate fait preuve d’un véritable génie musical quand il s’agit de construire ses chansons. Chaque ajout instrumental, chaque pont est ici un émerveillement pour les oreilles. On a une pensée toute particulière pour All The Same, incroyable conclusion en deux parties, chacune étant plus belle que l’autre, qui finissent par se rassembler pour n’en former qu’une. Les autres compositions ne sont pas en reste, entre le single à la fois punchy et poétique rappelant les bergers de Fleet Foxes ou le titre instrumental Kinder Blumen, les chansons résument toute la singularité et le génie du groupe.

Peut être est ce parce que leur musique respire la sincérité et l’humilité que ce groupe possède un capital sympathie énorme mais il faut bien l’avouer, Days est une réussite et est plus qu’une simple confirmation de leur premier essai mais un gage de qualité pour la suite. Real Estate ne lance ou ne réinvente rien mais ce qu’ils font, ils le font merveilleusement bien et dans leur domaine, les groupes qui peuvent rivaliser avec eux se comptent sur les doigts d’une main.






Sortie le : 17 octobre 2011
5 titres en écoute à droite.

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Couci-couça :
Feu à volonté
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Semaine 41 : Future Islands - On The Water [Thrill Jockey]





On avait laissé Future Islands à la fin de l’année 2010 avec une jolie 7ème place dans le classement des meilleurs albums. C’est avec plein d’espoir que nous attendions donc le retour de ces trois Américains tous droits venus de Caroline du Nord.

Avec un premier extrait prometteur intitulé Before The Bridge, le trio laissait penser qu’ils n’avaient pas perdu de leur talent pour écrire de bonnes chansons même si la nervosité qui parcourait leur précédent disque avait disparu au profit d’un son plus aéré mais aussi plus ambitieux. On ne vous mentira pas, ce troisième disque a ralentit la cadence alors que la voix de Samuel T. Herring se prêtait très bien à l’exercice du chanteur rock gueulard et classe. C’est l’un des gros points forts de ces musiciens, le chant a toujours était une des pièces maitresses, le chanteur a cette façon d’interpréter des textes avec un dévouement hors du commun. Chaque phrase, chaque mot est chanté avec ferveur au point de faire dans la démonstration. Ses exagérations vocales laisseront sans doute penser à certains une forme de posture mais ici, on croit en sa sincérité, on chante, on crie au monde tel un prêtre possédé. Bref, on adore sa voix rauque, puissante capable de partir dans des élans aussi bien de romantisme que d’héroïsme.
Bien sûr la voix ne fait pas tout, et on se souvient encore des lignes de basses brutes et obsédantes de leur précédent album, de ce mélange de mélancolie et de rythmes dansants qui parcourait de bout en bout In The Evening Air et plus simplement de la qualité exceptionnelle de chacune des compositions. Là encore pas de mensonges, On The Water est un cran en dessous. Contrairement à son prédécesseur, l’urgence qui habitait le groupe a laissé place à des esprits plus apaisés. Les lignes de basses sont toujours mises en avant mais le tempo a ralenti. Le groupe semble avoir mûri, peut être un peu trop vite. La voix, bien que toujours aussi impliquée se fait moins violente et les mots ne sont plus aussi raclés par sa gorge que par le passé. Mais ne tuons pas ces musiciens ! Pas encore, le groupe a tant à offrir, hormis le trop sage Where I Found You qui avait pourtant un potentiel indéniable et le morceau d’ambiance sans grand intérêt Tybee Island, le reste est encore une fois de haute tenue.

Il faudra accepter que le groupe a changé excepté sur Balance et Before The Bridge, ils ne nous font plus taper des pieds mais arrive encore à nous émerveiller surtout lorsqu’ils s’engagent vers ces tristes slow non dénués de surprises comme la voix de Jenn Wasner, chanteuse à ses heures perdues pour le groupe Wye Oak, qui vient le temps de The Great Fire mêler sa voix à celle de Samuel T. Herring. On apprécie aussi les violons faisant écho au célèbre titre de Devotchka (The Winner Is) ou encore cette orgue d’église sur Give Us The Wind et sa longue ascension vers les sommets. Si bien des atouts ont disparus de leur musique, ils leur restent encore de beaux restes, les surprenants arrangements, et la beauté de leurs compositions en tête.

Finalement, le principal défaut d’On The Water est surtout d’arriver après In The Evening Air, un album qui est encore aujourd’hui quasi-parfait (ouai ouai carrément). Pris à part, ce disque reste un bon disque, pas forcément de quoi crier au génie mais suffisamment pour qu’il mérite qu’on s’attarde dessus. Après avoir affronté les vents violents, il ne nous reste plus qu’à nous laisser bercer par ce long fleuve pas si tranquille que ça.





Sortie le : 10 octobre 2011
5 titres en écoute à droite.


Pour :
Cultural Fervent
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Couci-couça :
La musique à papa
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Semaine 40: Fránçois & The Atlas Mountains - E Volo Love [Domino]




E Volo Love, c’est la continuité d’une belle histoire lancée par Fránçois, un garçon originaire de Saintes qui aura eu la chance de croiser sur sa route de talentueux groupe Anglais. Il ira jusqu’à officier en tant que trompettiste chez les Ecossais de Camera Obscura. De ces expériences, ces rencontres dans sa deuxième ville natale qu’est Bristol, il sortira un premier disque sous le nom de Fránçois, avant d’être rejoint par The Atlas Mountains, un groupe à géométrie variable où les musiciens ne sont que de passage. Pour ce quatrième et nouvel album, ils ne sont que trois autour de Fránçois Marry. Gérard Black bassiste tout droit venu d’Ecosse, Pierre Loustaunau (aka Petit Fantôme), prodige de la pop en devenir comme le montre si bien son premier EP Yallah et enfin Amaury Ranger, le percussionniste, qui a apporté dans ses valises ses inspirations venues d’Afrique.

Ce sont d’ailleurs sur les trois premiers titres que l’apport d’Amaury Ranger est le plus frappant. Dès les plus beaux, nous sommes à mille lieux de Saintes ou de Bristol. On part au loin, survolant les plaines arides, la mélancolie s’invite parfois mais c’est surtout cette sensation de liberté, d’évoluer dans des paysages infinis qui prime. Hélas, cette bouffée d’air frais est rompue par City Kiss, seul faux pas de ce disque. Sans être une mauvaise chanson on ne reconnait pas l’univers propre à Fránçois, qui semble plus écrire une chanson pour Camera Obscura justement. Cependant, cette composition terre à terre a le mérite de trancher avec la suite qui se situe entre les moments intimistes de Her River Raves Recollections et d’une écriture plus pop, plus classique qu’à l’accoutumé, mais qui ne perd pas pour autant de son charme.

Ce qui nous séduit le plus dans tout ça, c’est cette façon de toucher à tout. Il y a dans ce disque des chansons nocturnes quasi-jazzy, des chansons dans la pure tradition Française ou encore des chansons aux sonorités ringardes mais qui laissent peu à peu dévoiler de nouvelles facettes laissant le vulgaire caillou se transformer en un bijou de musique pop. Si dans son ensemble, ce nouvel essai laisse quelque peu sur sa faim comparé à Plaine Inondable et Her River Raves Recollections, Fránçois Marry continue à surprendre dans sa façon d’écrire et d’arranger ses morceaux : du saxophone (l’incontournable de l’année !), aux chœurs semi-Grégorien, tout y passe. On a même le droit à un final hypnotique rappelant leur nouveau voisin de label, Animal Collective, sur le premier single Piscine repêché sur son meilleur album à ce jour (encore et toujours Her River Raves Recollections).
Comme à son habitude, il alterne les textes entre Français et Anglais parfois les deux en même temps pour un résultat des plus touchants. Car au-delà de sa musique innovante, c’est dans ses paroles que le jeune homme se surpasse. Certains pourraient y voir de la niaiserie mais il y a chez lui une simplicité désarmante qui relève plus d’une certaine forme de poésie candide, de rêves couchés sur le papier. Dès la première chanson son obsession pour l’eau est là, l’élément naturel qui entoure cette histoire d’amour entre ces deux personnes ne la rend que plus belle. Parolier atypique, Fránçois Marry n’en finit plus de nous faire frissonner en nous contant ses récits presque enfantins.
                                                                     
E Volo Love c’est avant tout une belle histoire, une avancée, et une nouvelle approche pour Fránçois & The Atlas Mountains. En signant un album plus classique qu’à l’habitude sans perdre en talent, le groupe pourrait bien gagner en popularité. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur souhaite afin d’espérer dans un futur plus ou moins proche de nouvelles rêveries sonores qui nous emmèneront elles aussi loin d’ici.





Sortie le : 3 octobre 2011
En écoute sur Deezer


Pour :
Hop Blog
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Semaine 37 : Girls - Record 3 Father, Son, Holy Ghost [True Panther Sounds]


Girls, drôle de nom pour ce groupe Californien à la géométrie variable. Girls, c’est avant tout deux hommes, Chet "JR" White, bassiste et producteur et bien sûr Christopher Owens figure torturée et forcément fascinante qui fait de lui l’élément principal de ce collectif. On ne reviendra pas sur sa jeunesse chaotique, seulement, le parallèle entre ce qu’il a vécu et les paroles qu’il accouche est évident. Alors qu’Album était le reflet d’un adolescent désespéré, candide et surtout romantique, Father, Son, Holy Ghost laisse entrevoir un personnage plus mûr mais vivant toujours dans la douleur. Entre poésie et souffrance, Owens écrit sûrement ses plus beaux textes, la célébrité n’ayant rien changé, au contraire, ses sombres sentiments ont grandi avec lui. Il est loin le temps où Owens chantait son désir d’avoir un petit ami rêvé, aujourd’hui il s’appelle Alex mais le ton n’est plus le même. Amour, mélancolie… Il partage ses peurs, ses doutes et ses aspirations. Si en deux ans, bien des choses ont changé, Owens est au fond resté le même. Un être sensible, presque ingénu, étonné par la cruauté du monde qui l’entoure. Tout cela est retranscrit sur cette pochette qui reprend toutes ces paroles à la fois simple mais d’une beauté et d’une honnêteté désarmante.

Pourtant, le plus grand changement n’est pas à chercher du côté des paroles mais dans leur façon de composer. A quelques exceptions, le côté immédiat et dépouillé de leur pop mélodique  a disparu au profit d’un son plus mature. En clair, si Christopher Owens est passé de l’adolescence à l’entrée de la vie adulte, leur musique, elle, a vieillit d’une décennie. Loin d’être un mal, Girls a décidé de prendre un virage artistique qui leur sied très bien. Il n’y a qu’à entendre Vomit, premier single de ce nouvel album pour comprendre ce à quoi il faut s’attendre. Beaucoup moins dans une recherche d’efficacité que par le passé, il s’agit avant tout pour le groupe d’instaurer une ambiance.
Séparé en deux parties bien distinctes, on retrouve au début, des morceaux se rapprochant de ce qu’ils avaient pu faire par le passé. Honey Bunny, l’ouverture de l’album aurait même pu figurer sur leur premier disque s’ils ne l’avaient pas autant travaillé (chœurs gospel, production léchée…). On retrouve même un étonnant Die, sorte de hard rock qui se conclut sur une touche pleine de raffinement. Si la richesse des premières compositions que ce soit au niveau de leurs arrangements ou tout simplement dans l’évolution que connait chaque morceau nous avait mis la puce à l’oreille, c’est My Ma et Vomit pierres angulaires du disque qui finissent par nous convaincre que Girls n’est plus le même groupe qu’il y a deux ans. Ces chansons annoncent ce qui suivra par la suite à l’exception de la sympathique chanson pop Magic, l’instant détente de la seconde partie, qui aurait sûrement trouvé une meilleure place en début d’album plutôt qu’entre ces deux longs et hypnotiques titres que sont Forgiveness et Just a Song.

My Ma donc, accessoirement la plus belle chanson du groupe et peut être de l’année est un bel exemple de l’ambition qu’ils ont placé dans Father, Son, Holy Ghost. Le son est clair et en impose, l’orgue Hammond (une des nouveautés) donne du relief tandis que les lignes mélodiques et les voix d’Owens et des choristes viennent donner un supplément d’âme et d’émotions à cette chanson. Par la force des arrangements et sa construction on comprend très bien que Girls a cherché à réaliser un disque plus cohérent que son prédécesseur qui était plus urgent en laissant croire que les chansons auraient pu être enregistré en une seule prise. Vomit, continue dans cette même lancée mais en répétant inlassablement les mêmes couplets et les mêmes refrains, ce qui pourrait être anodin au prime abord (ce qui a été d’ailleurs le cas) révèle finalement un songwriting fascinant, où chaque minute se voit ajouter d’un instrument, un chant, amplifiant toujours un peu plus la composition au point de captiver l’auditoire.

Faire mieux que leur premier effort n’était pas une mince affaire et pourtant, il semblerait que le pari soit tenu. La fougue a disparu au profit d’une maitrise et d’une maturité qui leur va comme un gant. On pourra reprocher beaucoup de choses à Father, Son, Holy Ghost mais on ne pourra pas douter de l’honnêteté de leur démarche. Ils font dans l’emphase des sentiments sans jamais tomber dans la caricature, il y a chez ces Californiens une innocence bienvenue et touchante. Si cette maturité pourra être vu comme un disque rétrograde/passéiste, on lui préférera le terme de classique car chacune des compositions tend à le confirmer, c’est bel et bien un grand disque qui se cache derrière leur apparente fragilité.



Sortie le : 12 septembre 2011
5 titres en écoute à droite.

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Jeudi 15 septembre : St. Vincent - Strange Mercy



Un refrain entêtant, des guitares agressives, des synthés distordus, des rythmiques en contretemps… Chloe In The Afternoon, première chanson qui ouvre cet album, suffira à convaincre l’auditeur averti qu’Annie Clark n’a pas changé de cap. En effet avec ses deux précédents disques, la belle aura réussie à laisser son empreinte dans le paysage de la pop actuel. St. Vincent n’a pas son pareil pour réussir à créer une musique faite à la fois de mélodies imparable et d’expérimentations sonore en tout genre.

Strange Mercy ne déroge pas à la règle, au contraire, jamais sa musique n’aura été aussi exigeante. Excepté le single Cruel, titre en or qui ne manquera pas de faire trémousser nos fessiers, le reste du disque est relativement calme, et si une beauté évidente se dégage de ses compositions, il faudra accepter la présence des déflagrations sonores et des égarements mélodiques dont certains instruments font preuve mystifiant un peu plus ses chansons. C’est aussi tout ce qui fait le charme  de ce disque, qui lui donne un supplément d’âme et qui permet d’écouter un disque aussi singulier. Strange Mercy est un album cotonneux, on s’y sent bien mais il se cache à l’intérieur une multitude d’épines qui gardent l’assistance éveillée.

La grande qualité de ce disque est cette capacité à se renouveler. A chaque composition, Annie Clark tente d’innover et de surprendre l’auditeur. On aime cette étrange guitare tournant en boucle sur Surgeon et virant peu à peu à la psychose au point de hanter nos esprits, ou encore, le final de Nothern Lights qui nous rappelle les folies expérimentales de Dan Deacon. Bien sûr, ce disque n’est pas un fourre tout, et l’on retrouve quelques idées constante tout au long de l’écoute. Les chœurs de princesses (névrosées ici) de l’univers Disney (une de ses principales références sur Actor) et surtout la guitare, pièce maitresse de ce disque, sont omniprésent.

Plus rock qu’à son habitude, Annie Clark propose une utilisation vraiment intéressante de son instrument fétiche. En alternant des sons clairs avec des sons très saturés, la miss fait très vite basculer sa musique d’une douceur et d’une plénitude totale à une folie qui frôle la schizophrénie. Malheureusement, ces revirements mélodiques se font parfois sur le tard, et l’ambiance qu’elle tente parfois de poser ne prend pas. En particulier sur la fin du disque où l’on est tenté de couper court à l’écoute. Seul Year Of The Tiger, magnifique conclusion saura nous faire patienter.

Au fond, on préférait Actor, plus direct, plus instinctif et marqué par un plus grand nombre de titres fort. Seulement, Annie, c’est Annie. Son joli minois suffit à nous faire fondre (voir vidéo ci dessous) et sa musique si atypique finit par nous rendre indulgent. Qu’importe si Strange Mercy souffre de la comparaison avec son prédécesseur, ce troisième album reste un excellent cru.

En écoute aujourd'hui, Year Of The Tiger, un morceau relativement sage par rapport à ses petits copains mais rattrapé par son incroyable beauté.




sortie le : 12 septembre 2011 
Label : 4AD
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Pour : 
Slash-Taste
Novorama
Sors-tu?
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Couci-couça :
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Contre :
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Mercredi 7 septembre : The Rapture - In The Grace Of Your Love


02 Avril 2011 : LCD Soundsytem groupe phare de DFA mené par James Murphy (accessoirement le boss du label) livre un dernier concert dantesque en guise de conclusion à leur aventure qui aura duré 10 ans. C’est une page qui se tourne dans l’histoire du rock, James Murphy représentait cette génération qui avait remis au goût du jour le Dance Punk et en était le meilleur représentant en signant trois albums impeccables et une poignée de singles en or. Bien que la concurrence était à la ramasse la bande à Murphy aurait pu se faire des soucis, avec The Warning de Hot Chip en 2006 et surtout Echoes de The Rapture en 2003.


Enfin ça, c’est surtout l’avis de la presse parce qu’au fond, fallait quand même supporter les aspects super kitsch dont ils faisaient preuve parfois. Ce deuxième disque était surtout rattrapé par des singles grandioses comme les furies Echoes ou House Of Jealous Lovers. Pieces Of The People We Love sorti trois ans plus tard, se barrait un peu moins dans tous les sens même si la singularité du groupe disparaissait au profit d’un son plus cool, dans l’air du temps, en gros un son que tout les groupes électro/rock avaient à cette époque… Bref, LCD Soundsystem est mort, vive The Rapture?
                                                                                                                                                                        
On a bien envie de dire oui avec Sail Away, une tonitruante entrée qui a beau tourner en rond mais dont les écoutes enchainées ne lassent pas. Alors que l’on connait déjà sur le bout des doigts How Deep Is Your Love? le quatrième album est bien parti pour devenir un disque incontournable de l’année. Pourtant, arrivé au second titre c’est le drame. Enfin, n’allons pas jusque là, The Rapture redescend un cran en dessous avec une recette qu’on a l’impression d’avoir goûté beaucoup de fois chez eux. Blue Bird signerait il un regain de forme? Pas vraiment, le titre démarre au quart de tour mais ne tient pas toutes ses promesses sur la longueur. On évitera de se pencher sur le cas Come Back To Me, morceau qui fait dans la putasserie et qui semble déjà accuser l’âge…

Heureusement, le morceau In The Grace Of Your Love vient remonter le niveau, ce n’est pas forcément démentiel et la conclusion est un peu longue mais il arrive à conjuguer des synthés dansant dans une atmosphère des plus sombres, classe. A ce stade, on ne sauve que deux chansons sur la moitié de l’album mais si les petits gars de New York City arrivent à assurer sur la seconde partie, rien n’est perdu, héééé oui! Mais non en fait. Ce qui arrive est en fait le ventre mou du disque, et on ne parle pas de deux mais quatre chansons… L’épique Children est autant une putasserie pour les Américains que l’est le funky Never Gonna Die Again pour les Anglais. Cependant, cette chanson a au moins le mérite d’être sauver du naufrage par un refrain euphorisant. Quand à Roller Coaster, c’est d’une platitude et d’une chiantitude admirable avec la partie chant la plus dégueulasse du disque. Bravo! Can You Find A Way? est un truc épileptique et sans intérêt mais qui est le morceau le plus court, on ne le blâmera donc pas trop.
                                                                                                                                                                
Enfin, arrive How Deep Is Your Love? et enfin arrive le premier vrai tube de cet album, une magnifique chanson qui renoue avec la grande époque de The Rapture. Le piano se fait disco, la rythmique vous fait taper du pied comme jamais et le saxophone est enivrant. Avec cette composition, le groupe clôture son quatrième disque de la meilleure façon qu’il soit, c’est toujours ça de pris...
                                                                                                                  
Ha non ! Y a encore une chanson en fait… Mais je vous assure, il ne vaut mieux pas s’attarder dessus.

LCD Soundsystem est mort, vive The Rapture? Que dalle! Pour un digne successeur on attendra.

En écoute aujourd’hui, Sail Away, une des rares réjouissances de cet album qui oscille entre fadeur et médiocrité…



sortie le : 05 septembre 2011
Label : DFA
En écoute dans le lecteur à droite


Pour : 
Du son
So Why One More Music Blog?
2MuchPoney
Fake Rebel
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Couci-couça :
Zlew Is Dead
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Contre :
Hartzine
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#0005 : Fats Domino – This Is Fats Domino! (1956)

Première grosse coquille du livre! En numéro 5, on retrouve This Is Fats sortit en 1956 seulement voilà, si la pochette correspond bien au nom de l’album son année de parution date d’un an après. Quand à la tracklist présentée, elle fait référence à This Is Fats Domino! qui lui, est bien sortit en 1956. On chroniquera donc la deuxième option même si un petit doute subsiste dans la véracité des propos énoncé ici (en même temps on n’est pas à une connerie près hein!). Une chose est sûre on parle du même disque. Vous n'avez rien compris?... Tant pis.



Benjamin d’une famille Créole de huit enfants, Antoine Dominique Domino grandit dans une famille pauvre certes, mais surtout aimante et passionnée de musique. Bercé par le blues et le jazz, il commence à jouer du piano sur un truc sans âge. Autodidacte, il reproduit ce qu’il entend à la radio et fait preuve de beaucoup de persévérance à défaut d’en faire autant à l’école. Dès l’âge de 14 ans, Antoine fait le tour des boites de la Nouvelle Orléans avec ses musiciens rencontrés sur la route. A 20 ans, alors qu’il se produisait dans le club «Robin Hood», on le présente comme Fats Domino en raison de sa corpulence et en hommage au pianiste Fats Waller (dont Michel Gondry tournera un film autour de ce personnage dans Be Kind, Rewind). A partir de là, ce surnom ne le quittera plus.

L’année 1949 signe le début de sa carrière professionnelle en signant sur le label Imperial Records, le succès est au rendez vous et ses chansons trustent le haut des charts, il en sera ainsi pendant dix ans. This Is Fats Domino! débarque alors qu’il amasse les dollars, il est constitué principalement de faces B de singles excepté quelques titres sortis sur la première face dont deux de ses plus grands succès, Blue Monday (rien à voir avec New Order!) et surtout Blueberry Hill. Bien que considéré dans la même vague que les rockeurs Little Richard ou Jerry Lee Lewis, la musique de Fats Domino est bien plus marqué par le Rythm’n’Blues et moins agité que celle de ses confrères. Pas de cris, ni d’acharnement sur les touches de son piano, l’artiste se fait étonnement sage.

Dès Blueberry Hill, la machine a du mal à partir avant de continuer sur un rythme de croisière, qu’importe la musique est bonne seulement il ne faut pas s’attendre à des chansons furieuses comme pouvaient l’être Johnny B. Goode ou Rock Around The Clock. C’est un autre genre de Rock’n’roll que nous propose Fats Domino, un rock que nous n’avons pas l’habitude d’entendre ici et qui pourra demander un certain temps d’adaptation pour certains. Cependant, la musique fait preuve d’élégance et n’est pas chiante pour autant. Bien que pianiste de son état, le clavier est loin d’être l’instrument le plus mis en avant mais plutôt les cuivres qui savent se faire aussi agressifs qu'élégants tandis que les percussions  se font étonnement discrètes.

Il est dommage que ce disque soit d’une telle sagesse, cependant, la qualité des compositions rattrape le tout bien que l’on regrette la répétitivité des rythmiques.  Fats Domino avait une recette qui marchait, un son bien à lui et a tenu cette ligne artistique jusqu’au bout. L’autre avantage est qu’avec 12 compositions en à peine une demi-heure, le temps passe très vite évitant ainsi la lassitude qu’on pourrait ressentir si le disque avait duré le double.

This Is Fats Domino! est charmant. Pas de grands frissons, ni de moments réellement exaltant, on ressent juste de la sympathie pour un album qui ne fera sûrement pas date chez le Panda Panda mais qui se réécoutera sans déplaisir. Ce disque est surtout le témoignage d’un personnage historique de la culture rock. Il aura vendu plus de 65 millions d’albums en 10 ans avec pas moins de trente neuf singles consécutifs figurant au hit parade entre 1954 et 1962, seul le King fera mieux. Aujourd’hui Fats Domino est redevenu Antoine et vit d’une retraite bien méritée à la Nouvelle Orléans.


Faut-il écouter ce disque au moins une fois dans sa vie? Pour sa culture musicale.
Label : Imperial

Blueberry Hill
Honey Chile