Mercredi 10 avril : La Femme - Psycho Tropical Berlin

Depuis le 2 mars 1991, un mal ronge notre pays, un fantôme plane au dessus de la France, il s’appelle Serge. Plus les années ont passé, plus nos artistes ont semblé souffrir d’un complexe d’infériorité. Il faut dire que Gainsbourg savait manier la plume sur fond de mélodies pop qui n’avaient pas à rougir des pays Anglophones. Si dans les années 80, de jeunes gens mödernes avaient bien réussi à faire bouger les choses, il aura fallu attendre encore le début de cette décennie pour voir apparaitre des groupes décomplexés. Mustang, Aline, Lescop, Granville… Bien que les références soient changeantes, tous ont essayés de montrer avec plus ou moins de succès que l’on pouvait faire coexister deux mondes : une musique influencée par les pays Anglophones sur des textes en Français. Il était temps.

La Femme a dégainé le premier, du moins, s’est fait remarquer avec sur la planche un titre frénétique porté par des guitares surf. Honnêtement, les premières fois avec La Femme ont été des plus anodines. Un concert désastreux et des chansons qui nous paraissaient, jusque-là sans éclats, nous faisaient craindre le pire. Avec le temps, on a apprit à l’apprivoiser, aimer ce qui nous agaçait au point d’attiser sérieusement notre curiosité au sujet de leur album qui tardait à faire son apparition. Ils ont dégainé les premiers mais c’est finalement eux qui viennent clôturer le premier chapitre de cette nouvelle scène, avec brio s’il vous plait.

Psycho Tropical Berlin, un titre absurde à l’image de certaines paroles clamés par le groupe mais qui représente pourtant bien le ton du disque. Dès Antitaxi, on rentre dans le monde de La Femme, c’est un bordel qui célèbre l’apocalypse avec psychotropes à gogo. Les synthés froids tranchent avec la folie ambiante qui survole chaque composition. Au-delà des chansons, excitantes pour la plupart, la force du groupe réside dans l’étrange atmosphère qui habite le disque. Bien que l’album soit nerveux, l’ambiance inquiétante voire effrayante est omniprésente. Tout part en vrille sur Psycho Tropical Berlin mais La Femme, qui ne tourne pas rond, s’en fout. Pleine d’insouciance elle s’en amuse, se défoule sur cette farce macabre, cette représentation hallucinée d’un cirque glauque et malsain. Bien que les groupes précités possèdent des qualités (en particulier Mustang, on le rappelle), La Femme a ce supplément d’âme, La Femme est bizarre.

Cet album n’est pas parfait, il pêche par gourmandise en voulant en mettre peut être un peu trop mais les compositions sont solides et enivrantes. Surtout, Psycho Tropical Berlin donne enfin l’impression qu’il se passe quelque chose en France, qu’une autre voie est possible. C’est un réel coup de pied au cul dans le paysage musical Français et on en est les premiers étonnés. Serge Gainsbourg nous hante peut être encore mais un groupe a enfin osé danser sur sa tombe.


Sortie le : 8 avril 2013
Label : Barclay / Universal
Un titre en écoute dans le lecteur à droite

Pour :
Hop Blog
Pinkfrenetik
Benzine
...

Couci couça :
...

Contre :
...

Mardi 9 avril : James Blake - Overgrown

Lorsque que James Blake, jeune prodige de 22 ans, débarque avec son premier album en 2011, le garçon originaire de Londres aura décontenancé plus d’un amateur de ses débuts dans la musique post-dubstep. Avant de devenir ce chanteur néo-soul, il est important de préciser que James Blake s’était donc fait remarquer par de brillants EP plus ou moins éloignés du registre dans lequel il évolue dorénavant. Avec son premier album, il divisait déjà ses fans mais il fallait reconnaitre qu’il avait réussi avec son premier format à trouver un style propre. Une sorte d’Antony & The Johnsons futuriste mais qui avait de quoi décevoir ses premiers auditeurs.

Deux ans après sa sortie et malgré un accueil enthousiaste ici, on espérait avec cette suite un bouleversement dans son écriture et pourquoi pas, le voir retourner à ses origines, celle de la musique électronique. Un des principaux challenges pour ces artistes qui réussissent à trouver un style si unique, c’est aussi de s’en détacher à temps au risque de lasser l’auditeur en quête de nouveauté et qui cherche sans cesse à être surpris. On pense une nouvelle fois à Antony Hegarty qui, après avoir étonné son monde, s’est retrouvé enfermé  dans un genre qui n’intéresse plus que lui. A l’écoute de Swanlights, son dernier album en date, il faut croire qu’il est condamné à répéter inlassablement les mêmes schémas que I Am a Bird Now, forcément en moins bien.

Lorsque James Blake dévoile Retrograde, le premier single d’Overgrown, on est donc circonspect. Le londonien annonce la couleur, ce deuxième album sera la suite logique du premier. Basé sur un piano, il nous dévoile une ballade soul qui nous sort de notre torpeur seulement lorsque les plages de synthés agressives viennent bouleverser une chanson trop sage. Avant même l’écoute du disque, on a finalement notre avis, on va adorer détester Overgrown.

Seulement, dès l’ouverture, Blake ébranle nos certitudes avec cette complainte délicate qui pourtant ne bouleverse en rien son écriture. Le titre Overgrown arrive tout simplement à trouver un équilibre entre la ballade piano et ses expérimentations électro. Les basses ainsi que les synthés sont savamment dosés afin de faire décoller sa composition sans paraitre forcée ou boursouflée.

Bien que l’on soit déjà sous le charme, le jeune homme enfonce le clou avec Life Round Here qui laisse son versant électro prendre les devants bien que la chanson reste dans une ambiance mélancolique et basé sur un rythme très lent. C’est à ce moment que l’album décolle réellement et où Blake va nous mener de surprise en surprise sans jamais renier les bases de son premier disque. Entre un featuring très classe avec RZA ou les transes électroniques de Digital Lion (co-écrit avec Brian Eno) et Voyeur, Blake  varie les plaisirs. Il se permet de sortir de son cadre devenu trop petit pour lui. Il divague dans ses expérimentations en nous embarquant avec lui. En cela on regrette la présence de quelques titres plus classiques tels que DLM ou Our Love Comes Back qui possèdent toutefois une beauté indéniable.

Ce deuxième album montre un James Blake moins chétif et plus assuré. Bien que très léché, il ne cache plus sa voix sous d’innombrables effets auto-tune. Cette maturité se retrouve aussi dans sa musique qui n’hésite pas à prendre plus de risque en donnant plus de souffle à ses ballades qui s’emportent bien plus que par le passé. On ne sait pas vraiment combien de temps il réussira à signer des disques d’une telle qualité sans révolutionner ses fondements  tant il arrive à nous surprendre avec si peu d’éléments nouveaux. Une chose est sûre, James Blake passe le cap du deuxième album avec une classe et une aisance indéniable.

Son premier disque était quelque part la bande sonore d’une jeunesse morne et déshumanisée. Avec Overgrown, ce sont avant tout les sentiments qui parlent, ceux d’un garçon d’une étonnante maturité, d’un garçon qui, du haut de ses 24 ans, démontre qu’il est un artiste pleinement accompli.


Sortie le : 8 avril 2013
Label : Polydor
Un titre en écoute dans le lecteur à droite

Pour :
Sound Of Violence
Feu à volonté
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Couci couça :
...

Contre :
...